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Israël et l’Iran : une guerre sans retour pour l’État colonial

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Lien publiée le 18 juin 2025

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

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En attaquant les piliers stratégiques du régime iranien, Nétanyahou, à la tête d’un gouvernement radicalisé, mise sur une victoire totale. Mais cette ambition maximale repose sur un pari dangereux, qui pourrait menacer l’existence de l’État d’Israël.

La confrontation entre Israël et l’Iran n’est plus un affrontement indirect. Depuis le vendredi 13 juin 2025, ce qui avait été pendant près d’un demi-siècle une guerre par services secrets interposés, faite de sabotages et de menaces, s’est transformé en affrontement direct, qui menace de mettre le feu à tout l’échiquier géopolitique du Proche et du Moyen-Orient. Le dernier pas franchi en ce sens est l’offensive ouverte menée par Israël contre les piliers stratégiques du régime iranien. Pour Tel-Aviv, il ne s’agit plus de dissuader ou de contenir le régime iranien mais de le renverser. Nétanyahou, à la tête d’un gouvernement radicalisé, mise sur une victoire totale : la chute de l’État des « Pasdaran », les Gardiens de la révolution, le noyau dur du pouvoir iranien. Mais derrière cette ambition maximale se cache un pari extrêmement risqué : Israël pourrait franchir des lignes qui menacent sa propre existence.

Objectif : frapper le cœur de l’Iran

L’offensive israélienne a combiné des attaques massives et une infiltration sophistiquée menée par les services de renseignement. Installations nucléaires, bases de missiles, laboratoires scientifiques, centres de commandement : tous ont été la cible de l’appareil militaire israélien. Mais si l’efficacité militaire est incontestable, la stratégie politique l’est beaucoup moins.

La question n’est pas de savoir si Israël peut frapper l’Iran. Il l’a déjà prouvé. La question est de savoir à quel prix stratégique et avec quel horizon politique. Car si l’opération ne parvient pas à renverser le régime iranien, elle ne fera que consolider son discours de résistance et alimenter une réponse asymétrique, prolongée et imprévisible.

Sans alliés, sans issue

Israël a construit sa défense nationale sur la base de la dissuasion, de la supériorité technologique et du soutien inconditionnel des États-Unis. Mais aujourd’hui, ce triangle est fissuré. À Washington, Trump tente de tirer des dividendes politiques du succès militaire d’Israël sans s’impliquer dans une guerre ouverte. Cependant, si le conflit s’intensifie, la tentation d’entraîner les États-Unis sur le champ de bataille deviendra inévitable.

En effet, si nous nous trouvons à la veille d’une guerre totale entre Israël et l’Iran, les États-Unis n’auront pas la possibilité de rester en dehors du conflit. Israël n’est pas seulement un allié stratégique, c’est la seule nation auprès de laquelle Washington a démontré, à maintes reprises, qu’il était prêt à entrer en guerre. Pour les États-Unis, opérer un repli, à l’instar de ce qui a été fait en Ukraine où la Maison blanche a refusé d’envoyer des troupes, affaiblirait non seulement son identité déjà érodée de superpuissance, mais dynamiterait également sa crédibilité. Ce serait un véritable cadeau pour Xi Jinping... et pour tous ceux qui espèrent un recul définitif de « l’Occident ».

La crise profonde de l’hégémonie américaine se manifeste au Proche et Moyen-Orient dans toute son acuité : la réalité est que Tel-Aviv n’agit plus seulement comme un allié de Washington, mais comme un acteur qui cherche à manipuler son protecteur. Il s’agit là d’un renversement dangereux de la répartition traditionnelle des rôles entre le centre impérialiste et ses États clients, avec des conséquences imprévisibles sur les différents terrains géopolitiques mondiaux, où Washington cherchait à déléguer son ancien rôle de gendarme mondial.

Une longue guerre, une victoire incertaine

Depuis la guerre de Kippour en 1973 jusqu’au 7 octobre 2023, la doctrine israélienne a été d’éviter les guerres stratégiques prolongées. Il s’agissait, pour Israël, de combattre en divisant ses ennemis, à commencer par les Palestiniens, d’où la politique de soutien, dans les années 1980, au Hamas, contre les partisans du Fatah et de Yasser Arafat ou encore son soutien, récemment révélé, aux cellules gazaouies de l’État islamique contre le Hamas. À Gaza, les différentes actions militaires s’inscrivaient dans des campagnes tactiques, fragmentées et de durée limitée. « Tondre le gazon », pour reprendre le jargon militaire de Tsahal.

Cette logique a volé en éclats. Israël mène désormais une guerre totale, sur plusieurs fronts, contre des acteurs étatiques et non-étatiques. Il ne s’agit plus de diviser l’ennemi, mais de l’éradiquer. Mais si cet objectif maximaliste venait à ne pas être atteint, alors cela pourrait se transformer en un conflit suicidaire pour l’État hébreu.

Le dilemme de Nétanyahou

L’État sioniste a démontré à maintes reprises sa capacité à survivre dans un environnement hostile. Mais la guerre contre l’Iran n’est pas une campagne comme les autres : c’est un enjeu existentiel. Si elle échoue, il n’y aura peut-être pas de retour en arrière possible. Nétanyahou se trouve donc à un tournant historique. Il souhaite poursuivre son opération génocidaire dans le but d’étendre son « espace vital », ce qui implique l’élimination systématique du plus grand nombre possible de Palestiniens, considérés comme une menace (y compris les femmes et les enfants), avec l’objectif de les expulser du territoire revendiqué comme le Grand Israël. Face aux difficultés internes et internationales croissantes pour mener à bien cette « tâche » génocidaire, le Premier ministre israélien semble avoir choisi de faire plier l’Iran, le « grand Satan », pour tenter d’arracher une victoire stratégique. Celle-ci doit lui permettre de revenir aux campagnes bien connues de confinement périodique de la population palestinienne dans les territoires occupés.

Une autre issue politique ou diplomatique que celle-ci ne serait pas une simple défaite pour Israël, elle signifierait probablement le début de la fin d’un projet nationaliste expansionniste dont le projet est profondément enraciné dans certains secteurs du pouvoir sioniste, ouvrant une crise potentiellement fatale pour l’État hébreu. Derrière son image de force, Nétanyahou, à l’avant-garde d’une contre-révolution brutale, exprime, plus que tout autre dirigeant sioniste jusqu’à présent, une stratégie désespérée qui pousse Israël à franchir toutes les bornes, éthiques, diplomatiques et militaires, au nom de la survie de l’Etat colonial.

Vingt mois de massacres à Gaza n’ont pas abouti à une solution qui rende l’État d’Israël plus sûr. Au contraire, le génocide a sapé ses fondements, accentué les divisions internes et mis en danger les communautés juives du monde entier, injustement assimilées au projet sioniste. Certains parlent déjà de la transformation d’Israël en un nouvel État paria. Plus que les missiles ou les drones ennemis, c’est cette logique belliciste à outrance qui pourrait mettre fin à l’État d’Israël.

Contre l’agression israélienne, pour la défense de l’Iran

Le régime des ayatollahs est né de la confiscation et de l’écrasement dans le sang de la révolution iranienne contre le shah d’Iran en 1979. Il s’agit d’un régime profondément détesté par les masses, qu’il s’agisse des femmes, de la jeunesse ou du monde du travail, comme en témoignent les soulèvements successifs de ces dernières années. Instrumentalisant cette colère accumulée, le Premier ministre israélien a appelé les Iraniens à se soulever contre un « régime maléfique et oppressif ». Cependant, l’objectif de Netanyahou n’est pas de libérer la population de ce régime théocratique et réactionnaire [1] mais de s’assurer que l’Iran cesse d’être un État souverain et redevienne une marionnette des puissances impérialistes, comme cela a été le cas tout au long du XXe siècle, jusqu’en 1979. Cet objectif est partagé par Trump et les néoconservateurs américains, nostalgiques de l’époque où le shah était l’un des principaux gendarmes pro-américains de la région, riche en pétrole.

Or, comme le dit Shervin Ahmadi dans Orient XXI  : « Nul doute, la République islamique a perdu sa base populaire. Mais ce que beaucoup d’analystes sous-estiment, c’est la profondeur du nationalisme iranien que partagent même ceux hostiles au pouvoir actuel. Ce sentiment, historiquement ancré, de même qu’une certaine animosité pour l’Occident, demeure puissant. On peut donc se demander si les déclarations de Nétanyahou ne vont pas avoir l’effet inverse : rallier la population autour d’un régime. Cette réaction n’aura toutefois pas les allures d’une mobilisation de masse en faveur du pouvoir en place, comme ce fut le cas pendant la guerre Iran-Irak (1980-1988) ». Il est assez improbable qu’Israël réussisse à imposer un gouvernement militaire sur un pays de 90 millions d’habitants. En revanche, l’objectif de Netanyahou pourrait davantage être celui de semer le chaos, en exacerbant les fractures entre communautés au sein du pays afin de fomenter une guerre civile réactionnaire, à l’image de celle provoquée par les Américains après l’échec de l’invasion de l’Irak en 2003.

En ce sens, la véritable libération des masses iraniennes ne viendra ni des mains sales et ensanglantées de l’agresseur sioniste, ni du soutien direct ou indirect des États-Unis. Par ailleurs, ni les États-Unis, ni Israël, ni aucune des puissances nucléaires telles que la France n’ont une quelconque autorité morale, éthique ou « démocratique » pour refuser à un pays souverain l’utilisation de l’énergie nucléaire. Ceci étant dit, nous nous prononçons résolument contre l’agression militaire d’Israël contre l’Iran, contre toute tentative de déstabilisation et d’ingérence impérialiste. Nous appelons les masses dans les pays impérialistes comme ailleurs à refuser toute collaboration avec cette agression impérialiste et ses agents, à rejeter toutes les sanctions qui frappent le pays actuellement et à défendre l’Iran en toute indépendance du régime des ayatollahs. Pour les masses iraniennes, c’est la seule façon pour créer les conditions pour remplacer ce régime pourri par leurs propres structures d’auto-organisation, en renouant avec l’expérience des shuras, les conseils de la révolution de 1978-1979 et, en dernière instance, par un gouvernement ouvrier et populaire des masses travailleuses. Une nouvelle révolution iranienne, dans le Moyen-Orient explosif d’aujourd’hui, pourrait être l’étincelle qui soulèverait les masses de la région et mettrait fin au calvaire qu’elles subissent depuis des décennies, en particulier pour le peuple palestinien martyrisé.

NOTES DE BAS DE PAGE


[1] Israël partage d’ailleurs avec la République islamique son caractère théocratique, caractère qui s’est renforcé au fil des gouvernements successifs.