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Flotille, marche et dockers pour Gaza. Un changement ?
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Le retournement de veste des puissances impérialistes sur le génocide à Gaza offre un spectacle édifiant de l’hypocrisie et de complicités maintenues. Il n’en est pas moins une opportunité pour le mouvement de solidarité avec la Palestine.
Au tournant des années 1960, la jeune République fédérale allemande entame un ambigu réexamen de son passé national-socialiste, en présentant les horreurs du nazisme comme un « excès » attribuable à une minorité fanatisée. Les procès de criminels nazis, comme le premier procès d’Auschwitz à Francfort (1963-1965), entretiennent ainsi la fiction d’une « délinquance » individuelle aux marges d’un État dont les grandes institutions seraient restées indemnes de toute compromission.
Par-delà les limites inhérentes à tout exercice d’analogie historique, il y a quelque chose de la sorte qui se rejoue dans le retournement de veste des capitales européennes et de leurs médias. Les dirigeants impérialistes, qui feignent de découvrir, soudain, qu’un génocide est en cours à Gaza, se gardent bien d’interroger leur propre implication dans les évènements tragiques de ces dix-neuf derniers mois. Comme s’il existait un hiatus entre leur soutien financier, politique et militaire à Israël et l’action de ce dernier dans la Bande de Gaza.
Les appels au « droit international » et les compassions « humanitaires » des puissances impérialistes masquent mal que ces dernières continuent d’offrir à Israël l’une des armes les plus implacables qu’ils peuvent lui livrer : la répression des soutiens de la Palestine. Ainsi, le 18 juin prochain, tandis que Macron s’affichera en « homme de paix » à la présidence d’une réunion de l’ONU sur la Palestine, se tiendra le procès du militant Anasse Kazib poursuivi pour « apologie du terrorisme » en raison de son soutien à la cause palestinienne. En parallèle, la France continuera d’armer en « flux tendu » l’État colonial israélien.
La guerre génocidaire menée contre Gaza a surpassé en horreur ce que le monde a produit de pire depuis la Seconde Guerre mondiale. À la différence des précédents rwandais, congolais ou encore cambodgiens, le génocide du peuple palestinien se mène avec les méthodes d’un pays industriellement avancé, appartenant au club mondial des nations les plus riches qui prétend représenter la « civilisation », et avec la participation des États-Unis et le soutien de la France. Pour la première fois, en outre, un génocide a lieu, jour après jour, presque heure par heure, sous les yeux du monde entier. Cette situation présente son lot de dangers [1] mais offre aussi paradoxalement des opportunités. Le retournement de l’opinion, par-delà ses coordonnées conjoncturelles, notamment des divergences stratégiques entre Trump et Netanyahu [2], est indissociable de ces contradictions. Si, jusque-là, c’est l’extrême droite internationale qui profitait du discrédit du libéralisme occidental et de la surenchère raciale et « civilisationnelle » qui s’est déployé sans complexe ces dix-neuf derniers mois, le mouvement de solidarité avec la Palestine pourrait lui aussi profiter des brèches de la situation.
Les atrocités génocidaires commises à Gaza et la poursuite de la colonisation de la Cisjordanie à un rythme effréné ont ainsi jeté une lumière crue sur la faillite morale de la bourgeoisie impérialiste. Le mythe des « valeurs » de l’Occident n’est plus qu’une fable pour toute une génération qui se politise, par centaines de milliers à travers le monde, dénonçant la responsabilité génocidaire de leurs propres gouvernements. Ces mobilisations constituent un point d’appui inestimable pour les luttes à venir, notamment face à la militarisation et à la logique de préparation à la guerre déployée par les puissances impérialistes européennes.
Le retournement des puissances occidentales est révélateur de ce discrédit comme de leur crainte que la fuite en avant génocidaire de Netanyahu ne finisse par déstabiliser la région entière, voire davantage. Mais c’est aussi un symptôme de l’isolement croissant de Netanyahu à l’échelle internationale. Le pari du gouvernement israélien d’engager les États-Unis dans une guerre contre l’Iran est en partie fonctionnel aux intérêts de l’impérialisme américain mais témoigne surtout d’une tentative à haut risque de resserrer les rangs occidentaux derrière son projet génocidaire et colonial. Devant la menace d’une riposte iranienne, les capitales européennes se sont empressées une fois de plus de soutenir le « droit d’Israël à se défendre » dans un nouvel exercice d’inversion accusatoire après l’agression israélienne de la République islamique.
Ces dernières semaines, des premiers signes attestent d’une reprise et d’une intensification du mouvement de solidarité internationale avec la Palestine. L’action des militants de la Flottille de la liberté a replacé sous le feu des projecteurs la complicité et la lâcheté des dirigeants impérialistes, mais a aussi démontré une énorme réserve d’héroïsme collectif existant dans nos sociétés. Les convois de la marche vers Gaza ont pour leur part largement mobilisé dans les pays du Maghreb et révèlent aux yeux de tous la complicité macabre des bourgeoisies arabes dans le génocide à Gaza. La répression de cette marche pourrait susciter des réactions des classes populaires et des travailleurs de la région, dans la continuité des différentes vagues de mobilisation, à l’instar de ce qui advenait, l’an passé, à Amman, en Jordanie, où la foule manifestait presque chaque soir devant l’ambassade israélienne, en avril et en mai 2024. Les actions, enfin, des dockers qui ont bloqué des livraisons d’armes à Israël depuis Marseille et Gênes ont montré la puissance potentielle du mouvement ouvrier dans la lutte contre le génocide et contre la guerre en général. Par contraste, ces actions révèlent également l’inaction criminelle des directions syndicales.
Nous n’avons aucune illusion dans la capacité des États impérialistes ou des institutions internationales à assurer la libération de la Palestine. En revanche, quand bien même il s’agirait d’actions, jusqu’à présent, symboliques, la conjonction à l’œuvre ces dernières semaines de la solidarité internationale, de la mobilisation des classes populaires arabes contre leurs propres bourgeoisies et des initiatives du mouvement ouvrier dans les pays impérialistes indique la voie à suivre.
NOTES DE BAS DE PAGE
[1] Lorsqu’ils ont cherché à comprendre comment le XXe siècle avait pu être le théâtre de deux guerres mondiales, Arendt et une partie de l’historiographie allemande de la deuxième partie du siècle ont cru voir dans la barbarie de la colonisation un début d’explication.
[2] Claudia Cinatti, « La nouvelle phase du génocide à Gaza et le labyrinthe stratégique de Netanyahou », Révolution Permanente, 11 mai 2025